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MÉDITATIONS

Comme une goutte d’eau dans l’Océan versée,
L’infini dans son sein absorbe ma pensée ;
Là, reine de l’espace et de l’éternité,
Elle ose mesurer le temps, l’immensité,
Aborder le néant, parcourir l’existence,
Et concevoir de Dieu l’inconcevable essence.
Mais sitôt que je veux peindre ce que je sens,
Toute parole expire en efforts impuissants :
Mon âme croit parler ; ma langue embarrassée
Frappe l’air de vains sons, ombre de ma pensée.

Dieu fit pour les esprits deux langages divers :
En sons articulés l’un vole dans les airs ;
Ce langage borné s’apprend parmi les hommes ;
Il suffit aux besoins de l’exil où nous sommes,
Et, suivant des mortels les destins inconstants,
Change avec les climats ou passe avec les temps.
L’autre, éternel, sublime, universel, immense,
Est le langage inné de toute intelligence :
Ce n’est point un son mort dans les airs répandu,
C’est un verbe vivant dans le cœur entendu ;
On l’entend, on l’explique, on le parle avec l’âme ;
Ce langage senti touche, illumine, enflamme :
De ce que l’âme éprouve interprètes brûlants,
Il n’a que des soupirs, des ardeurs, des élans ;
C’est la langue du ciel que parle la prière,
Et que le tendre amour comprend seul sur la terre.

Aux pures régions où j’aime à m’envoler,
L’enthousiasme aussi vient me la révéler ;
Lui seul est mon flambeau dans cette nuit profonde,
Et mieux que la raison il n’explique le monde.