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MÉDITATIONS

Et déjà la nuit sombre a descendu des cieux,
Qu’à ces sommets encore il dit de longs adieux.
Là, tandis que je nage en des torrents de joie,
Ainsi que mon regard mon âme se déploie,
Et croit, en respirant cet air de liberté,
Recouvrer sa splendeur et sa sérénité.
Oui, dans cet air du ciel, les soins lourds de la vie,
Le mépris des mortels, leur haine ou leur envie,
N’accompagnent plus l’homme et ne surnagent pas :
Comme un vil plomb, d’eux-mêmes ils retombent en bas.
Ainsi, plus l’onde est pure, et moins l’homme y surnage ;
À peine de ce monde il emporte une image :
Mais ton image, ô Dieu, dans ces grands traits épars,
En s’élevant vers toi grandit à nos regards !
Comme au prêtre habitant l’ombre du sanctuaire,
Chaque pas te révèle à l’âme solitaire :
Le silence et la nuit, et l’ombre des forêts,
Lui murmurent tout bas de sublimes secrets ;
Et l’esprit, abîmé dans ces rares spectacles,
Par la voix des déserts écoute tes oracles.
J’ai vu de l’Océan les flots épouvantés,
Pareils aux fiers coursiers dans la plaine emportés,
Déroulant à ta voix leur humide crinière,
Franchir en bondissant leur bruyante carrière,
Puis soudain, refoulés sous ton frein tout-puissant,
Dans l’abîme étonné rentrer en mugissant.
J’ai vu le fleuve, épris des gazons du rivage,
Se glisser, flots à flots, de bocage en bocage,
Et dans son lit, voilé d’ombrage et de fraîcheur,
Bercer en murmurant la barque du pêcheur.
J’ai vu le trait brisé de la foudre qui gronde,
Comme un serpent de feu, se dérouler sur l’onde ;
Le zéphyr, embaumé des doux parfums du miel,
Balayer doucement l’azur voilé du ciel ;