Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/83

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Mes yeux, comme les tiens, sans voir se sont ouverts ;
J’ai cherché vainement le mot de l’univers,
J’ai demandé sa cause à toute la nature,
J’ai demandé sa fin à toute créature ;
Dans l’abîme sans fond mon regard a plongé ;
De l’atome au soleil j’ai tout interrogé,
J’ai devancé les temps, j’ai remonté les âges :
Tantôt passant les mers pour écouter les sages ;
Mais le monde à l’orgueil est un livre fermé !
Tantôt, pour deviner le monde inanimé,
Fuyant avec mon âme au sein de la nature,
J’ai cru trouver un sens à cette langue obscure.
J’étudiai la loi par qui roulent les cieux ;
Dans leurs brillants déserts Newton guida mes yeux ;
Des empires détruits je méditai la cendre ;
Dans ses sacrés tombeaux Rome m’a vu descendre ;
Des mânes les plus saints troublant le froid repos,
J’ai pesé dans mes mains la cendre des héros :
J’allais redemander à leur vaine poussière
Cette immortalité que tout mortel espère.
Que dis-je ? suspendu sur le lit des mourants,
Mes regards la cherchaient dans des yeux expirants ;
Sur ces sommets noircis par d’éternels nuages,
Sur ces flots sillonnés par d’éternels orages,
J’appelais, je bravais le choc des éléments.
Semblable à la sibylle en ses emportements,
J’ai cru que la nature, en ces rares spectacles,
Laissait tomber pour nous quelqu’un de ses oracles :
J’aimais à m’enfoncer dans ces sombres horreurs.
Mais en vain dans son calme, en vain dans ses fureurs,
Cherchant ce grand secret sans pouvoir le surprendre,
J’ai vu partout un Dieu sans jamais le comprendre !
J’ai vu le bien, le mal, sans choix et sans dessein,
Tomber comme au hasard, échappés de son sein ;