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nuit, il accourait au moindre bruit pour le grossir, au moindre attroupement pour l’entraîner. Il s’enflammait de la passion commune avant de la comprendre ; sa voix, son geste, l’égarement de ses traits, multipliaient cette passion autour de lui. Il vociférait le trouble, il semait la fièvre, il électrisait les masses indécises, il faisait le courant, et on le suivait : il était à lui seul une sédition.


XI

Après Saint-Huruge, marchait Théroigne de Méricourt. Théroigne ou Lambertine de Méricourt, qui commandait le troisième corps de l’armée des faubourgs, était connue du peuple sous le nom de la belle Liégeoise. La Révolution française l’avait attirée à Paris, comme le tourbillon attire les choses mobiles. L’amour outragé l’avait jetée dans le désordre ; le vice, dont elle rougissait, lui donnait la soif de la vengeance. En frappant les aristocrates, elle croyait réhabiliter son honneur : elle lavait sa honte dans du sang.

Née au village de Méricourt, dans les environs de Liége, d’une famille de riches cultivateurs, elle avait reçu l’éducation des classes élevées. À dix-sept ans, son éclatante beauté avait attiré l’attention d’un jeune seigneur des bords du Rhin, dont le château était voisin de la demeure de la jeune fille. Aimée, séduite, abandonnée, elle s’était échappée de la maison paternelle et s’était réfugiée en Angleterre. Après quelques mois de séjour à Londres, elle passa