Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/130

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Une troisième accourt : « Ô jour, jour de misères !
Pleurez, yeux de Phayr ! frappez vos seins, ô mères !
De la race d’Ormid tout l’espoir est fini.
La flèche des chasseurs a percé Zebdani !
Et l’antre, déjà plein de silence et d’alarmes,
Retentit, à ce nom, de sanglots et de larmes,
Et Daïdha pleura ses trois frères chéris.
Mais ni le cœur brisé, ni les pleurs, ni les cris
Ne firent de ses doigts abandonner la trame ;
La terre la laissa maîtresse de son âme ;
Et chaque coup au cœur par la vierge reçu
Suspendait son travail sans briser le tissu.

Au peu d’impression des sinistres nouvelles,
Les mères sans parler échangèrent entre elles
Un regard scrutateur que l’enfant ne vit pas ;
Une d’elles sortit, et revint à grands pas :
« Ô perte de Phayr, dit-elle ; les esclaves
Dans la confusion ont brisé leurs entraves ;
Et Cédar, ô Phayr, ton trésor, ton appui…
– Cédar ! dit le vieillard, eh bien ? – Il s’est enfui ! »
À ces mots, à ce nom chéri, la jeune fille
De ses doigts entr’ouverts laissa tomber l’aiguille ;
Le tremblement du fil fit rompre les cheveux,
Les mailles sous leur poids coulèrent nœuds à nœuds,
Et, foulant sous ses pieds la trame répandue,
Daïdha s’élança vers l’entrée éperdue ;
Mais les femmes soudain ouvrant toutes leurs bras,
Et Selma courroucée, entravèrent ses pas :