Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/136

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Dans le creux de sa main allant chercher de l’eau,
Des souillures du sang elle étancha la peau ;
Elle cueillit dans l’herbe, aux rayons de la lune,
Des simples feuille à feuille ; elle en étendit une,
Toute trempée encor du baume frais des cieux,
Sur chaque meurtrissure où pleurèrent ses yeux ;
Elle les attacha comme un bracelet d’ambre,
Qu’une amoureuse main enlace à chaque membre ;
Elle enleva tout poids de son sein comprimé,
Pour qu’au souffle de l’air il s’ouvrît ranimé ;
Puis, à côté du corps, s’asseyant sur la mousse,
Soulevant dans ses bras la tête sans secousse :
« Cédar ! lui criait-elle, oh ! parle, éveille-toi !
Les méchants sont partis, rouvre les yeux, c’est moi !
Ton sang ne coule pas, ô l’époux de mes songes !
Mes cheveux sont coupés et t’ont servi d’éponges,
Mes genoux sont ton lit ; ta tête est sur mon bras,
Mon souffle est sur tes yeux : ne t’éveille-t-il pas ? »

Qui n’eût pas réveillé la voix si près, si tendre ?
Sans revivre à l’instant Cédar ne put l’entendre.
Un soupir lui rendit le regard et la voix :
« Ô Daïdha ! dit-il, est-ce vous que je vois ?
Est-ce toi, cher regard, ô douce fiancée,
Qui rends l’air à mon sein, le jour à ma pensée ?
Est-ce toi dont la bouche ?… Ô ciel ! fuis, enfant, fuis !
Sais-tu ce qu’ils ont dit ? d’où je viens ? où je suis ?
Sais-tu qu’à leur courroux dénoncé par ta mère,
Je mourais pour t’aimer ; et tu meurs si… – Mon frère,