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Or, c’était la saison où, l’herbe étant fanée,
Les familles comptaient les troupeaux de l’année.
Zebdor dit à ses fils : « Voici le jour ! montons,
Pour voir si nos chameaux, nos brebis, nos moutons,
Ce rebut des troupeaux que le géant fait paître,
Se sont multipliés loin du bâton du maître ;
Et pour demander compte à l’esclave frappé
De l’agneau mort de soif, ou du bouc échappé. »
Et les fils, irrités d’avance, le suivirent.
Aux sommets parvenus, avec surprise ils virent
Les maigres animaux à Cédar confiés
Brouter autour de lui gras et multipliés.
Zebdor s’assit à l’ombre, aux marges des fontaines,
Admirant ses chameaux qu’il comptait par centaines ;
Il fit signe à Cédar, debout et sans appui,
De les faire descendre et boire devant lui,
Afin qu’il pût de près les voir et les connaître.
Cédar tremblant d’effroi comprend l’ordre du maître ;
De sa lèvre renflée il approche à l’instant
Une corne qu’un buffle a brisée en luttant ;
Il y souffle le vent de sa bruyante haleine,
Que l’écho fait vibrer sur les monts et la plaine ;
Les troupeaux altérés comprennent cette voix,
Sortent de tous côtés des profondeurs des bois ;
Au bord de la fontaine ils viennent à la file.
Zebdor suit, en comptant, leur ligne qui défile ;
Pendant que l’agneau broute ou que l’onagre boit,
Il les nomme à ses fils et les montre du doigt ;
Il flatte des regards les chevreaux qui bondissent,
Il mesure en espoir les petits qui grandissent :