Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/163

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Et que les dieux du ciel, qui seuls voyaient son sort,
Ne pouvaient accuser personne de sa mort.
On condamna Cédar à périr dans l’Oronte
De la mort la plus vile et surtout la plus prompte ;
Et les tendres jumeaux, du fleuve préservés,
Aux lions du désert restèrent réservés.

À peine a retenti la fatale sentence,
Qu’à la mort de Cédar le peuple entier s’élance.
Sur le sol, sans haleine, on le trouve étendu,
Comme frappé d’un coup de plus haut descendu.
La foule, qui le voit sans couleur et sans vie,
Croit que les dieux vengeurs ont foudroyé l’impie ;
Elle insulte du pied ce corps sans mouvement ;
Puis, le traînant au bord de l’Oronte écumant,
Près d’un gouffre où le fleuve, au fond d’une vallée,
Gonflait en tourbillons son onde amoncelée,
Sans même détacher le tronc d’arbre du corps,
Dans l’abîme de l’onde on le pousse des bords ;
Mille imprécations suivent l’homme qui tombe,
Et le voile d’écume a recouvert sa tombe !

Comme un tigre qu’un meurtre altère encor de sang,
Par ce crime animé le peuple redescend :
On arrache du sein de la mourante mère
Les fruits de son amour que son étreinte serre ;
Tout le peuple, au travail à grands cris s’excitant,
Trace l’affreuse tour, qu’il bâtit à l’instant ;