Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/168

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Mais, son geste et sa voix effrayant l’hirondelle,
L’oiseau vers le sommet remonta d’un coup d’aile,
Et de son désespoir le cri fit envoler
Le seul être de Dieu qui vînt la consoler.
De ce dernier commerce elle perdit les charmes,
Et son œil assoupi se ferma dans les larmes.

En songe quelque temps son âme sommeilla.
Comme un coup dans le cœur un cri la réveilla :
C’était ce cri de soif, insensible à l’oreille,
Mais auquel dans la nuit une mère s’éveille ;
De ses pauvres petits le doux vagissement,
Qui venaient à sa mort demander l’aliment :
Deux filles de Zebdor, les tenant par la hanche,
Les tendaient par la fente à sa mamelle blanche.
Tandis que Daïdha, dont le cœur ruisselait,
En les lavant de pleurs les abreuvait de lait :
« Buvez, mes blancs agneaux ! bois, ma blanche colombe !
Buvez l’eau de mon cœur qui coule de la tombe.
Pressez ainsi, pressez, des lèvres, de la main,
Cette source d’amour que va tarir la faim !
Que ne peut d’un seul trait votre bouche assouvie
Épuiser tout mon sang avec toute ma vie !
Et que ne tombez-vous des mamelles sevrés,
Comme deux enfants morts, par la grappe enivrés !…
Oh ! que vous aurez soif lorsque je serai morte !
Oh ! ne souriez pas, ou bien qu’on vous remporte !
Je puis vous voir mourir ! oui, mais je ne puis voir
La mort sourire ainsi dans vos yeux sans espoir !… »