Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/191

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Elle suivait, portant sur sa tête élevée
Sa blanche enfant tremblante et d’écume lavée ;
Et, comme sur le sable un vol de blancs oiseaux
Qui font sécher leur aile, ils s’essuyaient des eaux.


Un soir qu’ils reposaient au fond des solitudes,
Leurs membres succombant à tant de lassitudes,
Cédar, que son amour éveillait à tout bruit,
Entendit comme un souffle et des pas dans la nuit.
Soulevé sur le coude, immobile, il écoute :
Ces pas de leur abri semblent chercher la route.
Un souffle haletant, qui paraît s’approcher,
Fait frissonner d’horreur tous les poils de sa chair ;
Il croit qu’un lionceau que le désert affame
Vient dévorer ses fils sur le sein de sa femme,
Il crie : un hurlement lugubre lui répond ;
L’animal à ses pieds s’élance d’un seul bond :
La feuille était épaisse et la nuit était sombre ;
Il voit contre ses flancs se lever comme une ombre.
Il s’élance au-devant de ce lion dressé,
Entre ses bras de fer le reçoit enlacé ;
Sans que son cœur défaille, il sent sur sa poitrine
L’ivoire de ses dents, le vent de sa narine ;
Dans la gueule béante il plonge pour chercher
La langue qui voulait tout son sang à lécher.
L’animal étouffé tombe, et ne fait entendre
Qu’un dernier hurlement mélancolique et tendre,
Et Daïdha, veillant sur le couple qui dort,
Sentit son cœur troublé par cet accent de mort.