Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/217

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Ainsi pères sans droits, fils sans reconnaissance,
Tout sentiment humain a perdu sa puissance ;
Des feux sacrés du cœur le foyer est éteint.
Nul n’a plus pour devoir que son brutal instinct,
Et dans l’homme affranchi de toutes ces entraves
Les tyrans sont plus sûrs de trouver des esclaves.
Ils ordonnent : le fer suit le geste inhumain ;
Rien n’attendrit le cœur, rien n’arrête la main :
Car, pour soumettre un peuple au joug d’un maître infâme,
Il faut de l’eau du vice empoisonner son âme !

» — Leurs dieux, dit Daïdha, dorment-ils donc toujours ?
Ou sont-ils, ainsi qu’eux, insensibles et sourds ?
— Leurs dieux ! dit le vieillard, par d’horribles blasphèmes,
Quelques hommes hardis se sont faits dieux eux-mêmes !
De prestiges sacrés éblouissant les yeux,
L’ignorance et la peur les reconnaissent dieux.
Pour imposer leur joug au reste de la terre,
Ils cachent leurs secrets dans la nuit du mystère,
Et, sur l’esprit du peuple épaississant la nuit,
Voilent le jour à ceux que leur fourbe séduit ;
Afin de conserver leur puissance funeste,
Ces dieux, en petit nombre, aveuglent tout le reste ;
Répandant autour d’eux l’insulte et les affronts,
Au-dessus de la foule ils élèvent leurs fronts.
Des plus beaux des mortels leur caste se repeuple.
Si quelque enfant d’élite est né parmi le peuple,
Ils le font égorger pour la paix des tyrans,
Ou pour se recruter l’admettent dans leurs rangs ;