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On le voyait s’abattre au-dessous des nuages
Comme apportant aux dieux de célestes messages ;
La superstition et la servilité
Assuraient le respect par la crédulité.
C’est cet art disparu que Babel vit éclore,
Et qu’après dix mille ans le monde cherche encore !
Pour défier les airs et pour s’y hasarder,
Les hommes n’avaient eu dès lors qu’à regarder,
Et des ailes d’oiseau le simple phénomène
Avait servi d’exemple à la science humaine.

Du vaisseau de l’éther en élevant le poids,
Comme sur l’Océan se soulève le bois,
Les hommes, mesurant le moteur à la masse,
S’élevaient, s’abaissaient à leur gré dans l’espace,
Dépassant la nuée ou rasant les hauteurs,
Et, pour frayer le ciel à ses navigateurs,
Pour garder de l’écueil la barque qui chavire,
Un pilote imprimait sa pensée au navire.
D’un second appareil l’habile impulsion
Donnait au char volant but et direction.
Au milieu de la quille un mât tendait la voile,
Dont la soie et le lin tissaient la fine toile ;
Sur le bec de la proue un grand soufflet mouvant,
Comme un poumon qui s’enfle en aspirant le vent,
Engouffrait dans ses flancs un courant d’air avide,
Et, gonflant sur la poupe un autre soufflet vide,
Lui fournissait sans cesse, afin de l’exhaler,
L’air dont, par contre-coup, la voile allait s’enfler.