Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/297

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Puis de ce vil niveau par degrés s’élevant,
Salit de ses lambeaux les ailes de tout vent,
Et, dans le ciel enfin, éclatant météore,
Y fait briller sa boue à l’égal d’une aurore !

Maintenant sur le faîte, et l’abîme à ses piés,
Il n’osait le sonder de ses yeux effrayés,
Et, pour y résister au vent qui le secoue,
Il rampait sur le trône ainsi que dans la boue.
Son empire n’était qu’une ondulation
Entre les chefs déçus de chaque faction ;
Et, sur ce lac bouillant de sa ruine avide,
Il vivait de terreur suspendu sur le vide !
Mais, bien qu’il renfermât sa pensée en dedans,
Sa domination voulait des confidents :
Ministres corrupteurs d’infernales intrigues,
Pour épier les cœurs et déjouer les brigues,
Pour lire sur les fronts et sonder le terrain ;
Pour serrer tour à tour ou ramollir le frein,
Pour garder de complot la fortune du maître,
Sa coupe de poison et son sommeil de traître,
Des dieux inférieurs à sa grandeur vendus,
De ses nuits, de ses jours, compagnons assidus,
Fils secrets et brisés de sa sanglante trame,
Entraient dans sa pensée et surprenaient son âme.
C’est par eux qu’il tenait sous d’habiles niveaux
Les partis endormis l’un de l’autre rivaux.
Son règne entre les dieux ajournait seul la lutte ;
Même en les grandissant, il retardait sa chute.