Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/299

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À l’ovale élargi de ses grands yeux de jais,
D’où son âme en s’ouvrant illuminait ses traits,
On voyait qu’une grande et puissante nature
Avait marqué d’un sceau la noble créature,
Et qu’un germe d’amour l’accomplirait plus tard,
Si l’homme ne l’avait brûlée à son regard !

Mais Nemphed sous son souffle avait flétri la rose,
Avant que du printemps la feuille fût éclose :
Dans la corruption d’un soleil trop hâté
Il avait fait mûrir son âme et sa beauté,
Et, pressé d’en tirer un infernal usage,
Il avait perverti lui-même son ouvrage ;
Il avait détaché ce cœur de tout lien,
Pour l’arracher de terre et l’enchaîner au sien,
Et, de tous ses forfaits instrument ou complice,
Lui faire partager sa gloire ou son supplice.
Il l’avait enlacée, elle aux membres de lait,
À ses membres vieillis, ainsi qu’un bracelet
Que rive à l’avant-bras la vierge de l’Asie,
Et qu’on n’arrache plus du corps qu’avec la vie.
Non que son cœur stérile aimât la tendre enfant
Que son souffle tuait tout en la réchauffant ;
Mais il avait besoin, pour mieux filer sa trame,
De se l’incorporer en se vouant son âme :
Elle était le lézard espion du serpent,
Qui devance au soleil le reptile rampant ;
Le chacal que le tigre en avant-garde lance ;
L’appât que le pêcheur sur les ondes balance ;