Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/307

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Et, regardant à vide à travers ce brouillard,
En lui-même jamais ne rentrait son regard.
Dans ses canaux renflés la sonore narine
Aspirait à grands flots le vent dans sa poitrine :
Sa joue, où de la flamme ondoyait la couleur,
Trahissait de son sang la brutale chaleur ;
Dans ses regards perdus, sur ses lèvres épaisses,
Circulaient les vapeurs de ses lourdes ivresses ;
Et sur son sein le poil épais et chevelu
Flottait comme la soie aux flancs du bouc velu.
L’amour seul d’Asrafiel enflammait l’énergie,
Et l’empire pour lui n’eût été que l’orgie.
Il regardait Lakmi jouant sur les genoux
Du souverain des dieux avec un œil jaloux,
Et son âme, en secret savourant ses caresses,
Se noyait dans ses yeux, s’enchaînait dans ses tresses.


À côté d’Asrafiel, mais moins fort et moins grand,
Le féroce Sabher s’asseyait à son rang ;
Sabher, le plus cruel et le plus sanguinaire,
De, ces dieux inhumains sous qui tremblait la terre.
Bourreau, sa main tuait, mais ne combattait pas ;
Ses pères les géants l’appelaient le Trépas.
Cœur de lièvre au combat, cœur de tigre au carnage ;
Sa cruauté sans borne était son seul courage.
Nemphed en avait fait son glaive et sa terreur,
Et l’on avait pour lui le respect de l’horreur.
Des voluptés du meurtre il faisait ses délices,
Toute sa joie était d’inventer des supplices.