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Sur les tendres beautés victimes de leurs choix
Les dieux jetaient l’horreur en étendant leurs doigts.

Par des mères d’emprunt, devant les dieux conduite,
La foule des enfants, hélas ! venait ensuite ;
Misérable troupeau que chaque jour mêlait,
Que l’on faisait changer et de mère et de lait,
De peur que, s’attachant à ce fils éphémère,
La nourrice pour lui ne prît un cœur de mère.
Depuis l’âge où leurs dents tombent pour repousser
Jusqu’à l’âge où, cherchant la mamelle à sucer,
Suspendus à l’épaule ou sur les bras qu’on tresse,
Ils n’ont que le sourire ou le cri de détresse,
Cherchant encor l’aplomb de leurs pieds chancelants,
Groupes de molles chairs et de beaux membres blancs,
Muets devant les dieux, ils passaient sans haleine.
Tels que de blancs agneaux à leur première laine,
S’enchevêtrant sur l’herbe aux appels du pipeau,
Se traînent en bêlant derrière le troupeau,
Tels venaient les derniers, dans l’humaine revue,
Ces fruits piqués au cœur de la race déchue.
Et l’écho stupéfait du morne monument
Après eux répétait un long vagissement !
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Le peuple avait coulé tout entier comme un fleuve.
Voilà ce qui restait de cette race neuve