Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/368

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Ne divertissaient plus sa morne léthargie ;
Son cœur se détournait des horreurs de l’orgie :
On eût dit qu’un rayon qui décolorait tout
Lui faisait prendre enfin ses forfaits en dégoût.
En voyant ces Titans, monstres à face humaine,
Son adoration se transformait en haine.
Si la foudre avait pu s’enflammer à sa voix,
Son mépris les eût tous écrasés à la fois !
Complice involontaire, elle exécrait leurs crimes,
Détournait ses regards, ou plaignait leurs victimes :
Du moment où ce cœur flétri venait d’aimer,
Un germe de vertu semblait s’y ranimer,
Et le dégoût du vice, à défaut d’innocence,
Régénérait déjà cette coupable enfance.
Mais, haïssant les dieux, trop faible pour frapper,
Son dernier vice au moins était de les tromper :
Elle leur dérobait son cœur comme un mystère.

Chaque fois que la nuit enveloppait la terre,
Des cachots de Cédar reprenant le chemin,
Elle disparaissait la lampe dans la main,
Et venait savourer jusqu’à la blanche aurore
La contemplation de l’être qu’elle adore :
Chaque absence d’un jour le lui rendait plus cher.
Son cœur fondait en elle avant de l’approcher.
Un mélange confus de respect, de tendresse,
Ralentissait son pas pressé par son ivresse ;
Et debout devant lui, le front baissé, sans voix,
Elle avait aussi peur que la première fois.