Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ou bien il n’imputait qu’a sa pitié naïve
Le soupir qui coupait sa parole craintive,
De sa voix qui changeait la tristesse et le son,
Et de ses doigts glacés l’étreinte et le frisson.
L’enfant en devenait plus cher à sa détresse.
Elle le consolait avec tant de tendresse,
Elle confondait tant, dans leurs longs entretiens,
Sa pensée à la sienne et ses soupirs aux siens,
Qu’elle était devenue, en sa morne demeure,
Le seul doux intérêt qui lui fît compter l’heure :
L’amitié naît si vite au cœur des malheureux !
Des gestes familiers déjà régnaient entre eux ;
Quelquefois il penchait le front sur son épaule,
Comme un robuste chêne incliné vers un saule,
Et laissait en silence égoutter dans son sein
Les larmes de l’amour dont son cœur était plein :
Pour la pauvre Lakmi voluptueux supplice !
Comme un lis qui se fane entr’ouvre son calice
Pour aspirer la brise et pour boire sans bruit
Les gouttes de sa soif que lui répand la nuit,
Elle sentait filtrer jusqu’au fond de son âme
Ces pleurs qui ne coulaient que pour une autre femme ;
Et, de rage et d’amour tressaillant à la fois,
De sa lèvre en secret les buvait sur ses doigts !

Chaque nuit resserrait cette amitié perfide ;
Et quelquefois Lakmi, dans ses vœux moins timide,
À l’innocent plaisir que Cédar éprouvait
Croyait y découvrir l’amour qu’elle rêvait !