Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/388

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Et, pour se préserver de l’invisible mort,
De leurs libations n’effleuraient que le bord.
Au moment où Nemphed, dans sa perfide adresse,
Croit voir son ennemi chanceler sous l’ivresse,
Et lui-même, à son tour feignant d’être endormi,
Du forfait convenu fait le signe à Lakmi,
Celle-ci, s’approchant comme pour mieux entendre.
Au cou du roi des dieux par les bras vient se pendre,
Et, semblable à l’enfant qui, donnant un baiser,
Entre l’œil et la bouche hésite où le poser,
D’un dard qu’entre les dents cachait sa lèvre jointe
Dans la tempe du monstre elle enfonce la pointe.
La hache est moins mortelle et l’éclair est moins prompt ;
II tombe de son trône en se brisant le front.
Asrafiel de son sein tire soudain son glaive.
La foule à cet aspect se réveille et se lève ;
Trônes, tables, autels, s’écroulent en débris,
Le palais retentit d’épouvantables cris.
En groupes acharnés tous les dieux s’entr’égorgent.
Des restes des festins les esclaves se gorgent ;
Et pendant les horreurs de cette longue nuit
Tout se disperse ou meurt, tout triomphe ou tout fuit.

Dans la confusion de la lutte insensée,
Comme un éclair de mort Lakmi s’est éclipsée.
Leur laissant disputer le trône ou le trépas,
Vers son palais désert elle court à grands pas :
À ses ordres secrets une esclave attentive
Prend les cheveux ravis au front de la captive :