Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On croirait qu’elle veut, de ce mystère instruite,
D’une ombre impénétrable envelopper sa fuite,
Et Cédar aperçoit à peine les cyprès
Sur l’horizon du ciel onduler à grands traits ;
Il avance à tâtons vers un arbre qu’il touche :
Un cœur est sur son cœur, un doigt est sur sa bouche !…
Il sent de Daïdha, sous l’haleine du vent,
Les cheveux l’entourer de leur voile mouvant.
Sur ses bras en berceau, muet, il la soulève ;
Il fuit en l’emportant, plus légère qu’un rêve.
Au bruit grondant du fleuve il dirige ses pas ;
Son haleine de feu ne se repose pas.
La brise apporte en vain un souffle sur sa joue ;
En vain ce doux fardeau que la marche secoue,
De ses bras enlacés lui faisant un collier,
Se suspend à son cou, que le poids fait plier ;
En vain sur son épaule une tête si chère
Bat comme un front d’enfant endormi sur sa mère
Comme un cœur oppressé qui s’arrête un moment.
Afin de respirer après plus librement :
Rien ne peut ralentir sa course, qu’il redouble ;
Chaque roseau lui semble un géant qui le trouble,
Chaque plainte de l’onde un cri qui le poursuit :
Il franchit un royaume en un quart de la nuit,
Et ne s’arrête enfin, à la naissante aurore,
Que sur le cap du fleuve, au tronc du sycomore.

Dans sa tremblante extase il redit mille fois
Les noms que des soupirs lui répondent sans voix.