Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/405

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Le tyran, aux splendeurs de cette beauté chaste,
Du vice à la vertu contemplant le contraste,
Du regard malgré lui respectait ses appas.
L’absence des cheveux ne la déparait pas ;
Comme un jeune palmier dont la main qui le taille
En élaguant la cime élève encor la taille,
Plus souple et plus léger son buste s’élançait,
Allégé des cheveux dont le poids l’affaissait.

« Viens, disait Asrafiel, ô perle de l’aurore
Que la vague à mes pieds apporta pour éclore,
Viens luire sur ce front où luit tant de grandeur ;
Tu seras de ces lieux la première splendeur !
Étoile de la nuit, qui brillais inconnue
Derrière les forêts ou derrière la nue,
Des astres du matin viens effacer le jour !
Le bonheur de tes yeux coule en rayon d’amour !
Sur tes lèvres de nard un ciel entier respire !
C’est pour te conquérir que j’ai conquis l’empire !
Viens, couronnant mon front de ta chaste beauté,
Me payer ma grandeur par ma félicité ! »

En lui parlant ainsi sa main rude et robuste,
S’assouplissant un peu, l’enlaçait par le buste,
Et ses bras musculeux l’attiraient vers son cœur ;
Mais Daïdha bondit avec un cri d’horreur.
Il sourit, et dardant un regard de satyre :
« Biche à l’œil effrayé, qui fuis ce qui t’attire,