Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/407

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La repoussant du pied sur le marbre abattue :
« Ah ! dit-il, c’est donc lui ? Qu’on coure et qu’on le tue !
Que l’on traîne à ses yeux ses membres torturés ;
Qu’elle entende… ! Mais non, reprit-il, demeurez !
Avant que de sa vie un geste me délivre,
D’un seul mot, Daïdha, tu peux le laisser vivre ;
C’est toi qui vas frapper, c’est toi qui le tueras !
Viens chercher ton amant, sa vie est dans mes bras… »
À ces mots Daïdha, par la crainte éperdue,
Se jetait… Mais soudain, sur un pied suspendue,
Et redressant d’horreur son beau corps incliné :
« Non ! non ! qu’il meure avant son amour profané !
Qu’il meure avant de voir son épouse avilie
Au prix de son honneur lui racheter la vie !
Qu’il meure avant de voir flétrir de ton baiser
Ces lèvres où son cœur du moins peut se poser !
Frappe, mon choix est fait !… — Eh bien, non ! dit l’hyène,
Je suspendrai le coup pour que ta vie y tienne !
Esclaves, apportez ses enfants par les piés
Comme deux vils chevreaux pour le couteau liés.
Par tous les sentiments de sa tendre nature,
Sur leurs membres sanglants donnez-lui la torture ;
Oui, respectez son corps et déchirez son cœur,
Jusqu’à ce qu’elle tombe aux bras de son vainqueur… »
Les petits, à ces mots, arrachés de leur couche,
Chacun d’eux dans les bras d’un esclave farouche,
Sur le seuil du parvis sont apportés soudain ;
L’aboîment ne fait pas bondir plus fort le daim
Que le vagissement de ses fils qu’on apporte
Ne fait bondir d’amour la mère vers la porte.