Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/424

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Leur oreille, trompée, avec ravissement
Écoutait gazouiller ce doux ruissellement ;
Au murmure de l’eau leurs yeux cherchaient la source ;
Pour y tremper leur âme ils suspendaient leur course ;
Mais cette illusion bientôt se refoulait :
Ce n’était sous leurs pieds qu’un gravier qui coulait,
Comme si du désert cette arène tarie
Eût à l’aridité mêlé la raillerie.
Reflétés par la terre, les rayons du soleil
Fondaient leur tête nue et leur brûlaient l’orteil ;
Quelquefois sur le flanc d’un monticule sombre,
Se collant à la pente, ils goûtaient un peu d’ombre,
Et de leur front baissé laissant égoutter l’eau,
Ils reprenaient haleine et partaient de nouveau.
Ils marchèrent ainsi jusqu’à l’heure tardive
Où le soleil plongea sous ces vagues sans rive.
La brise de la lune enfin se fit sentir ;
La longue ombre du soir commença de vêtir
La nudité du sol d’apparences plus douces ;
L’œil trompé le voyait teint d’herbes et de mousses.
Le désert, que renflait quelque roc souterrain,
Affectait la rudesse et les plis du terrain ;
Les coteaux élargis arrondissaient leurs croupes ;
Sur leurs pieds affaissés des monts nouaient leurs groupes,
Leurs flancs se découpaient sur le fond gris des cieux,
Les astres en rasaient les pics audacieux.
L’illusion jetait aux crêtes de ces chaînes
Les profils nuageux des cèdres et des chênes.
On aurait pu se croire errant sur quelques bancs
Des rochers du Taurus ou des monts des Libans,