Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/429

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Dans ce regard muet, dialogue sans mots,
D’une longue agonie ils ont bu tous les flots.
Du poids du désespoir leurs cous brisés se ploient ;
Pour mourir sur la place en silence ils s’assoient.
L’aspect de leurs enfants les secoue et les mord.
Ils s’éveillaient riant à l’aube de leur mort.
À leur vue, en sursaut Cédar encor se lève ;
Les yeux sur la poussière, interrogeant la grève,
Il cherche à retrouver dans le sable mouvant
La route de Stagyr ; mais les ailes du vent
Qui se lève au matin sur ces vagues arides
De l’océan de poudre ont nivelé les rides,
Et du guide infidèle enseveli les pas.
Le pied du passereau ne s’y connaîtrait pas.
Il revient épuisé de sa course inutile.
Daïdha, se penchant sur l’arène stérile,
À la place où de l’eau le sol était imbu,
Cherchait à retrouver l’onde qu’il avait bu,
Mordait le sable sec d’une lèvre farouche ;
Approchait les enfants, leur y collait la bouche,
Espérant que le sol, de leur soif attendri,
Ne refuserait pas de la rendre à leur cri ;
Et, bondissant sous elle ainsi qu’une panthère,
Comme pour se venger frappait du poing la terre.

Cédar, les bras levés, un moment regarda ;
Puis à ce vain délire arrachant Daïdha,
Et remettant au ciel un cœur transi de doute,
Pour qu’un guide invisible illuminât leur route,