Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il courut le corps droit, les deux mains en avant,
Retrouva tous ses pas sur le terrain mouvant ;
Et de tout son amour voyant de loin le groupe.
Sur la tête en criant il éleva la coupe.

Hélas ! à cette voix nulle ne répondit !
Vers le bras qu’il tendait nul bras ne s’étendit.
Daïdha sommeillait sur sa dernière couche.
L’air ne frémissait plus du souffle de sa bouche.
Le lézard s’approchait ; la mouche et la fourmi
Parcouraient librement son visage endormi ;
Sur sa lèvre entr’ouverte on pouvait encor lire
Le sourire insensé de son dernier délire.
Les jumeaux en travers sur elle étaient couchés,
Leurs visages au sein étaient encor penchés :
On eût dit, à la fin d’une longue journée,
Aux cris de ses enfants la mère retournée,
En leur donnant le lait surprise de sommeil,
Et dormant avec eux seule et nue au soleil !

À l’immobilité de ce funèbre groupe
Il reconnut la mort ! et, renversant la coupe,
Il regarda couler sa vie avec cette eau,
Comme un désespéré son sang sous le couteau !
Puis, se roulant aux pieds des êtres qu’il adore,
Et frappant de ses poings sa poitrine sonore,
Pour courir autour d’eux bientôt se relevant,
Tel qu’un taureau qui fait de la poussière au vent,