Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/59

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Depuis l’heure où sa mère à ses pieds l’étendit,
À son sourire en pleurs fière la suspendit,
Et la pressant des bras à sa blanche mamelle
Vit le jour de ses yeux poindre dans sa prunelle,
Est-il de cette bouche un seul vagissement,
De cette âme naissante un premier mouvement,
Un battement secret de ce cœur qui s’ignore,
Que mon regard n’ait vu naître, germer, éclore,
Avant que leur frisson ait agité sa peau,
Comme je vois ces feux du ciel poindre sous l’eau ?
N’ai-je pas tout suivi du regard d’une mère ?
D’abord l’impression fugitive, éphémère,
De la vie essayant ses organes naissants,
Vague et confuse voix de ce concert des sens ;
Puis ces étonnements pleins d’intimes délices,
Du sentiment qui naît délicates prémices ;
Puis ces élans du cœur qui ne peut s’apaiser
Que sur un cœur de mère, et sous son chaud baiser ;
Ces caresses d’instinct qui de l’âme trop tendre
Sur tout ce qu’elle voit cherchent à se répandre,
Et qui sans cause encor mouillent ses yeux de pleurs,
Comme la goutte d’eau pend aux feuilles des fleurs ;
Plus tard, en grandissant en esprit, à mesure
Que l’âge fait au cœur rayonner la nature,
Ces extases de l’œil et ces ravissements
Des merveilles de Dieu, ces éblouissements,
Cette soif d’aspirer dans son sein Dieu lui-même,
Cette adoration sans savoir qui l’on aime,
Ces chants intérieurs qui s’élèvent des sens,
Que l’abeille et l’enfant bourdonnent sans accents,