Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/70

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Qu’elle vienne à ta voix ainsi te voir jouer,
Et, si ces nœuds de fleurs rompent, les renouer ! »
Un autre, en ricanant, disait : « Pauvre petite !
Comme ton front rougit ! comme ton cœur palpite !
Desserre, si tu peux, les bras de cet amant ;
Brise ces nœuds de fer, et respire un moment. »
Et celui-là, montrant du doigt ce beau visage,
Qui roulait à ses pieds tout en sang : « Quel dommage,
Disait-il, de ternir de poussière et de pleurs
Ce beau front que bientôt on sèmera de fleurs !
Pourquoi tacher ainsi ces épaules de soie,
Et cette peau d’enfant que le fer marque et broie,
Et ce sein virginal, et ces pieds délicats
Dont les lèvres bientôt voudront baiser les pas ?
Épargne, belle enfant, ces fureurs et ces larmes ;
Sais-tu que chaque effort nous coûte un de tes charmes,
Que chaque froissement de tes membres meurtris
Aux yeux des acheteurs nous vole de ton prix ? »
Et parcourant de l’œil les noires meurtrissures
Et les gouttes de sang coulant de ses blessures,
Touché par l’avarice et non par la pitié,
Plaignait ce bloc vivant qu’il remuait du pié.


Daïdha cependant, par la lutte lassée,
Et dans l’étroit réseau toujours plus enlacée,
Usait en vain, pendant ces sarcasmes affreux,
Son dernier désespoir en efforts douloureux.
Ses membres, palpitants sous le poids qui la froisse,
Par de sourds soubresauts trahissaient son angoisse ;