Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/80

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Les deux rivaux, du front s’appuyant dans la lutte,
Se soutiennent l’un l’autre et retardent leur chute.
On entendait crier leurs muscles et leurs os ;
La sueur inondait leurs membres à grands flots,
Et les halètements de leurs fortes haleines
Sortaient comme le bruit des grands vents dans les chênes.
Enfin plus lourd, plus fort que son jeune ennemi,
Djezyd du sol manquant le soulève à demi ;
Et quand il sent les pieds détachés de leur base,
Se précipite à terre et de son poids l’écrase :
L’un à l’autre incrustés, ils tombent d’un seul bloc ;
La terre, sous leurs corps, sonne et tremble du choc ;
Sous le poids de Djezyd, dont la masse l’accable,
L’enfant du ciel roidit ses muscles comme un câble ;
Mais, sentant qu’il ne peut se dégager de lui,
De son épaule à terre il prend un point d’appui,
Le serre étroitement des nœuds de sa colère,
Puis s’imprime à lui-même un élan circulaire,
Avec son corps qui roule entraîne l’autre corps ;
La pente du terrain seconde ses efforts :
Ils tournent confondus jusqu’au vert précipice,
Où sur le lit des eaux le sol se penche et glisse ;
Et tous deux à la fois, dans le flot écumant,
Ils tombent embrassés : mortel embrassement,
Où, du dernier soupir ne s’enviant que l’heure,
Chacun d’eux veut mourir pourvu que l’autre meure !
Qui comprendra l’horreur de ce combat nouveau,
Dans l’ombre de la mort, sous le linceul de l’eau,
Où des deux combattants l’inextinguible rage
Empêchait son rival de mordre le rivage,