Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/82

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Tout tremblant de froisser sous les nœuds qu’il déploie
Ces membres délicats ou ces tresses de soie,
À ses pieds que du front elle allait essuyer,
Daïdha se jetant, voulait balbutier
À travers son respect son cri de délivrance,
Quand un nom tout à coup de mille voix s’élance :
« Daïdha ! Daïdha ! c’est elle, la voici ! »
L’aube au ciel rougissait le nuage éclairci,
Et de tous les sentiers descendant des montagnes.
On voyait accourir ses frères, ses compagnes,
Qui la cherchaient dans l’ombre en lui tendant les bras.
Sa mère les guidait en devançant leurs pas ;
Daïdha l’aperçut, et, bondissant vers elle,
Colla de cent baisers la lèvre maternelle.
Oh ! qui dira jamais le transport étouffant
Dont la sauvage mère étreignit son enfant ?
Et les convulsions de ce bras qui la presse,
Et ces élans d’amour et ces bonds de tigresse,
Quand elle vit le sang sur ses membres meurtris ?
La féroce tribu fut l’écho de ses cris,
Et, se précipitant sur l’inconnu céleste,
Crut voir le meurtrier et l’immolait du geste ;
Mais Daïdha, courant entre la foule et lui,
Et prenant par la main son sauveur, son appui,
Montre de l’œil, du doigt, à la foule tremblante
Les six corps de géants jonchant l’herbe sanglante.
Ils mesurent du pas ces cadavres affreux,
Lèvent les yeux au ciel et se parlent entre eux,
Comme si leur esprit se refusait à croire
Qu’un mortel eût suffi seul à cette victoire.