Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/89

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Ainsi parla Jedyr ; une honte unanime
Monta sur tous les fronts comme le sang d’un crime.
« Le tuer ! » s’écria la foule ; et Daïdha
Pressa sa main plus fort et de pleurs l’inonda.
« Le tuer ! le tuer ! s’écria chaque mère.
— Eh bien ! reprit Jedyr, que voulez-vous en faire ?
Quel est cet inconnu, dites, le savez-vous ?
Pourriez-vous sans péril renvoyer loin de nous
Un hôte que d’un sang ennemi Dieu fit naître,
Qui connaît notre race, et qui, vendu peut-être
Aux éternels bourreaux des enfants de Phayr,
N’a paru nous sauver que pour mieux nous trahir ?
Ou bien, si vous gardez libre dans votre race
Cet enfant dont l’œil tue et dont l’aspect terrasse,
Cet homme dont les bras sur vous seront levés,
N’est-ce pas un tyran que vous vous réservez ?
Faudra-t-il obéir aux fils des étrangères ?
Faudra-t-il lui donner les filles de nos pères,
Afin qu’un germe impur, dans nos veines admis,
Mette au cœur de nos fils le sang des ennemis,
Et qu’en nos propres seins, rivales éternelles,
Des races de lions se combattent entre elles ?
Non ! répandons sur l’heure, en détournant les yeux,
Le sang qui souillerait l’âme de nos aïeux ! »
Namphi, Salem, Jorab, du regard approuvèrent ;
Mais des femmes sur eux les clameurs s’élevèrent ;
Et Saki, en secret conseillé par Selma,
Prévoyant la tempête, en ces mots la calma :
« À qui parle de mort, honte sur sa pensée !
De sang sur notre cause une goutte versée,