Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grave. Quoiqu’il eût peu de fièvre pendant la nuit du 10, il se plaignit de douleurs dans les membres et du mal de tête, ce qui ne l’empêcha pas néanmoins de monter à cheval dans l’après-midi. À son retour, mon maître dit que la selle n’était pas tout à fait sèche, et qu’il craignait que cela ne l’eût rendu plus malade. La fièvre revint, et je vis avec bien du chagrin, le lendemain matin, que l’indisposition devenait plus sérieuse. Milord était très-affaissé, et se plaignit de n’avoir point dormi de la nuit ; il n’avait aucun appétit. Je lui préparai un peu d’arrow-root ; il en prit deux ou trois cuillerées seulement, et me dit qu’il était fort bon, mais qu’il ne pouvait en prendre davantage. Ce ne fut que le troisième jour, le 12, que je commençai à concevoir des alarmes. Dans tous les rhumes que mon maître avait eus jusque-là, le sommeil ne l’avait pas abandonné, et il n’avait point eu de fièvre. J’allai donc chez le docteur Bruno et chez M. Millingen, ses deux médecins, et leur fis plusieurs questions sur la maladie de mon maître : ils m’assurèrent qu’il n’y avait aucun danger ; que je pouvais être parfaitement tranquille ; que dans peu de jours tout irait bien. C’était le 13. Le jour suivant, je ne pus m’empêcher de supplier milord d’envoyer chercher le docteur Thomas, de Zante. Mon maître me dit de consulter à ce sujet les docteurs : ils me dirent qu’il n’était pas nécessaire d’appeler aucun autre médecin, parce qu’ils espéraient que tout irait bien dans peu de jours. Je dois faire remarquer ici que milord répéta plusieurs fois, dans le cours de la journée, que les docteurs n’entendaient rien à sa maladie. — En ce cas, milord, vous devriez consulter un autre médecin. — Il me disent, Fletcher, que ce n’est qu’un rhume ordinaire, comme tous ceux que j’ai déjà eus. — Je suis sûr, milord, que vous n’en avez jamais eu d’aussi sérieux. — Je le crois, dit-il. Je renouvelai mes instances le 15, pour qu’on appelât le docteur Thomas ; on m’assura de nouveau que milord serait mieux dans deux ou trois jours. D’après ces assurances répétées, je ne fis plus aucune instance que lorsqu’il fut trop tard.

» Les médecines fortes qu’on lui faisait prendre ne me semblaient pas les plus convenables à sa maladie ; car, n’ayant rien dans l’estomac, elles me paraissaient ne devoir lui procurer que des douleurs : c’eût été le cas, même avec une personne en bonne santé. Mon maître n’avait pris, depuis huit