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Il n’en fut point ainsi. M’étant remis en marche, et étant arrivé dans une petite ville à six lieues de Lyon, j’entrai dans une auberge et je demandai à dîner. Mais il peine étais-je assis devant l’omelette et le fromage qu’une bonne femme m’avait préparés, que la porte s’ouvrit et que je vis entrer le directeur de la maison d’éducation, escorte d’un gendarme. On me reprit, on me lia les mains, on me ramena à travers la honte que me donnait la curiosité des villageois. On m’enferma seul dans une espèce de cachot. J’y passai deux mois sans communication avec qui que ce fût, excepté pourtant avec le directeur, qui me demanda en vain un acte de repentir. Lassé à la fin de ma fermeté, on me renvoya a mes parents. Je fus mal reçu de toute la famille, excepté de ma pauvre mère. Elle obtint qu’on ne me renverrait plus à Lyon. Un collège dirigé par les jésuites à Belley, sur la frontière de Savoie, était alors en grande renommée, non seulement en France, mais encore en Italie, en Allemagne et en Suisse. Ma mère m’y conduisit.


III


En y entrant, je sentis en peu de jours la différence prodigieuse qu’il y a entre une éducation vénale rendue à de malheureux enfants, pour l’amour de l’or, par des industriels enseignants, et une éducation donnée au nom de Dieu, et inspirée par un religieux dévouement dont le ciel seul est la récompense. Je ne retrouvai pas la ma mère, mais j’y retrouvai Dieu, la pureté, la prière, la charité, une douce et paternelle surveillance, le ton bienveillant de la famille, des enfants aimés et aimants, aux