Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/132

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Gravit l’âpre colline, une arme dans la main.
Rencontre le chevreuil sans changer son chemin,
Redescend des hauteurs dans la gorge profonde
Où la tour des vieux chefs chancelle au bord de l’onde ;
Son noir lévrier quête et hurle dans les boís,
Et la brise glacée est pleine d’une voix.

CHANT DU CHASSEUR.

Lève-toi ! lève-toi ! sur les collines sombres,
Biche aux cornes d’argent que poursuivent les ombres !
O lune ! sur ces murs épands tes blancs reflets !
Des songes de mon front ces murs sont le palais !
Des rayons vaporeux de ta chaste lumière
A mes yeux fascinés fais briller chaque pierre ;
Ruisselle sur l’ardoise, et jusque dans mon cœur
Rejaillis, ô mon astre, en torrents de langueur
Aux fentes des créneaux la giroflée est morte.
Le lierre aux coups du Nord frissonne sur la porte
Comme un manteau neigeux dont le pâtre, au retour,
Secoue avant d’entrer les frimas dans la cour.
Le mur épais s’entrouvre à l’épaisse fenêtre...
Lune ! avec ton rayon mon regard y pénètre
J’y vois, à la lueur du large et haut foyer,
Dans l’àtre au reflet rouge un frêne flamboyer.

LE CHASSEUR.

Astre indiscret des nuits, que vois-tu dans la salle ?

LA LUNE.

Les chiens du fier chasseur qui dorment sur la dalle.

LE CHASSEUR.

Que n’importent les chiens, le chevreuil et le cor ?
Astre indiscret des nuits, regarde et dis encor.

LA LUNE.

Sous l’ombre d’un pilier la nourrice dévide
La toison des agneaux sur le rouet rapide.