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ment que nous nous entendions, moi pour le demander avec passion, elle pour l’accorder sans soupçon ni résistance.


XIV


La tour qu’habitait Lucy, à l’extrémité du petit manoir de son père, avait pour base une terrasse dont le mur, bâti en forme de rempart, avait ses fondements dans le bas de la petite vallée près du torrent. Le mur était en pente assez douce. Des buis, des ronces, des mousses, poussés dans les crevasses des vieilles pierres ébréchées par le temps, permettaient à un homme agile et hardi d’arriver, en rampant, au sommet du parapet et de sauter, de là, dans le petit jardin qui occupait l’espace étroit de la terrasse au pied de la tour. Une porte basse de cette tour, servant d’issue à la dernière marche d’un escalier tournant, ouvrait sur le jardin. Cette porte, fermée la nuit par un verrou intérieur, pouvait s’ouvrir sous la main de Lucy et lui donner la promenade du jardin pendant le sommeil de sa nourrice. Je connaissais le mur, la terrasse, le jardin, la tour, l’escalier. Il ne s’agissait pour elle que d’avoir assez de résolution pour y descendre, pour moi assez d’audace pour y monter. Nous convînmes de la nuit, de l’heure, du signal que je ferais de la colline opposée en brûlant une amorce de mon fusil.

Le plus embarrassant pour moi était de sortir inaperçu, la nuit, de la maison de mon père. La grosse porte du vestibule sur le perron ne s’ouvrait qu’avec un retentissement d’énormes serrures rouillées, de barres et