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le maître. Je lui apprenais à lire et à écrire en lui faisant épeler les lettres sur mes livres et en lui tenant la main pour lui enseigner à les tracer. Son cousin ne pouvant pas venir tous les jours, c’était moi qui le remplaçais. Soit que ce jeune homme, contrefait et boiteux, n’inspirât pas à sa cousine assez d’attrait et de respect, malgré sa douceur, sa patience et la gravité de ses manières ; soit qu’elle eût elle-même trop de distractions pendant ses leçons, elle faisait beaucoup moins de progrès avec lui qu’avec moi. La moitié de la soirée d’étude se passait à badiner, à rire, à contrefaire le pédagogue. Le pauvre jeune homme était trop épris de son élève et trop timide devant elle pour la gronder. Il faisait tout ce qu’elle voulait pour que les beaux sourcils de la jeune fille ne prissent pas un pli d’humeur, et pour que ses lèvres ne lui fissent pas leur petite moue. Souvent l’heure consacrée à lire se passait pour lui à éplucher des grains de corail, à dévider des écheveaux de laine sur le bois de la quenouille de la grand-mère, ou à raccommoder des mailles au filet de Beppo. Tout lui était bon, pourvu qu’au départ Graziella lui sourît avec complaisance et lui dît addio d’un son de voix qui voulût dire : À revoir !


III


Quand c’était avec moi, au contraire, la leçon était sérieuse. Elle se prolongeait souvent jusqu’à ce que nos yeux fussent lourds de sommeil. On voyait, à sa tête penchée, à son cou tendu, à l’immobilité attentive de son attitude et de sa physionomie, que la pauvre enfant