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Dans cette âme, avant elle, on voyait ses pensées,
Ses paupières jamais, sur ses beaux yeux baissées,
Ne voilaient son regard d’innocence rempli ;
Nul souci sur son front n’avait laissé son pli ;
Tout folâtrait en elle : et ce jeune sourire,
Qui plus tard sur la bouche avec tristesse expire,
Sur sa lèvre entrouverte était toujours flottant,
Comme un pur arc-en-ciel sur un jour éclatant !
Nulle ombre ne voilait ce ravissant visage,
Ce rayon n’arrivait pas traversé de nuage !
Son pas insouciant, indécis, balancé,
Flottait comme un flot libre où le jour est bercé,
Ou courait pour courir ; et sa voix argentine,
Écho limpide et pur de son âme enfantine,
Musique de cette âme où tout semblait chanter,
Égayait jusqu’à l’air qui l’entendait monter !

Mais pourquoi m’entraîner vers ces scènes passées ?
Laissez le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, à mes tristes pensées !
Je veux rêver et non pleurer !

Mon image en son cœur se grava la première,
Comme dans l’œil qui s’ouvre, au matin, la lumière ;
Elle ne regarda plus rien après ce jour ;
De l’heure qu’elle aima, l’univers fut amour !
Elle me confondait avec sa propre vie,
Voyait tout dans mon âme, et je faisais partie
De ce monde enchanté qui flottait sous ses yeux,
Du bonheur de la terre et de l’espoir des cieux.
Elle ne pensait plus au temps, à la distance ;
L’heure seule absorbait toute son existence ;
Avant moi cette vie était sans souvenir,
Un soir de ces beaux jours était tout l’avenir !
Elle se confiait à la douce nature
Qui souriait sur nous, à la prière pure
Qu’elle allait, le cœur plein de joie et non de pleurs,
À l’autel qu’elle aimait répandre avec ses fleurs ;