Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXIV


Le père de Vignet était pauvre ; la révolution lui avait enlevé la dignité et les appointements de sénateur. Il s’était retiré dans le seul petit domaine qu’il possédât, à une lieue de Chambéry, auprès d’un joli village appelé Servolex. Il y était mort quelques années après, pendant que son fils était au collège avec moi.

La mère de mon ami, femme adorable et adorée de ses enfants, avait vendu, année par année, quelque champs de l’héritage pour achever l’éducation de ses deux fils et d’une fille. L’aîné de ses fils, que je ne connaissais pas, vivait à Genève et y étudiait l’administration. La pauvre mère vivait seule avec sa fille à Servolex, dans ce dernier débris des biens de la famille. Elle était tombée en maladie de langueur, par suite du découragement de ses espérances, de la décadence de sa maison et de la mort de son mari. Se sentant mourir elle-même, elle avait rappelé son fils Louis de Grenoble, pour la suppléer dans l’administration du petit bien et pour être le protecteur de sa sœur.


XXV


Vignet était accouru. La vue de sa mère mourante l’avait bouleversé. Une seule passion, sa tendresse filiale pour cette sainte femme, avait éteint en lui toutes les autres. Son orgueil avait été noyé dans ses larmes.