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XXV


Tel était le fond caché de la vie de cet homme que le hasard semblait avoir placé à côté de ma propre vie comme une consonnance triste et tendre au désenchantement précoce de ma jeunesse. Un sourire amer et résigné sur un abîme de sensibilité souffrante, de souvenirs cuisants, de fautes chères, d’amour mal éteint et de larmes contenues ; c’est la transparence de toutes ces choses dans son attitude, dans sa physionomie, dans son silence et dans son accent qui m’attachait sans doute si naturellement à lui. Heureux et sage, je ne l’aurais pas tant aimé. Il y a de la pitié dans nos amitiés. Le malheur est un attrait pour certaines âmes. Le ciment de nos cœurs est pétri de larmes, et presque toutes nos affections profondes commencent par un attendrissement !


XXVI


Ainsi se passa pour moi cet été de solitude et de sécheresse d’âme. La compression de ma vie morale dans cette aridité et dans cet isolement, l’intensité de ma pensée creusant sans cesse en moi le vide de mon existence, les palpitations de mon cœur brûlant sans aliment réel et se révoltant contre les dures privations d’air, de lumière et d’amour dont j’étais altéré, finirent par me mutiler, par me consumer jusque dans mon corps, et par me donner des langueurs, des spasmes, des abatte-