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jours où la persécution révolutionnaire ne laissa plus d’autre asile à ceux qui tenaient à l’ordre ancien que la prison ou l’échafaud.


II


La famille de mon grand-père donnait peu de prétextes à la persécution. Aucun de ses membres n’avait émigré. Mon grand-père lui-même était un vieillard de plus de quatre-vingts ans. Son fils aîné, ainsi que son second fils, l’abbé de Lamartine, élevés l’un et l’autre dans les doctrines du dix-huitième siècle, avaient suce, dès leur enfance, le lait de cette philosophie qui promettait au monde un ordre nouveau. Ils étaient de cette partie de la jeune noblesse qui recevait de plus haut et qui propageait avec le plus d’ardeur les idées de transformation politique. On se trompe grossièrement sur les origines de la révolution française quand on s’imagine qu’elle est venue d’en bas. Les idées viennent toujours d’en haut. Ce n’est pas le peuple qui a fait la révolution, c’est la noblesse, le clergé et la partie pensante de la nation. Les superstitions prennent quelquefois naissance dans le peuple, les philosophies ne naissent que dans la tête des sociétés. Or, la révolution française est une philosophie.

Mon grand-père et mes oncles surtout avaient la séve de la révolution dans l’esprit. Ils étaient partisans passionnés d’un gouvernement constitutionnel, d’une représentation nationale, de la fusion désordres de l’État en une seule nation soumise aux mêmes lois et aux mêmes impôts. Mirabeau, les Lameth, La Fayette,