Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/404

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si communes parmi les enfants des femmes, pétrie non d’une seule pièce, non d’une argile exceptionnelle et épurée comme celle des héros, des saints ou des sages, mais pétrie des divers limons qui entrent dans le moule de l’homme faible et passionné : de hautes aspirations et d’étroites ailes, de grands désirs et de courtes mains pour atteindre là où ils regardent ; d’idéal sublime et de réalité vulgaire, de feu dans le cœur, d’illusions dans l’esprit, de larmes dans les yeux : statues humaines qui attestent par la diversité des éléments qui les composent les mystérieuses déchéances de notre pauvre nature, et où l’on retrouve, comme dans le métal de Corinthe après l’incendie, les traces de tous les métaux liquéfiés qui s’y sont refroidis et confondus, un peu d’or dans beaucoup de plomb. Mais, je le répète, à qui ai-je nui si ce n’est à moi-même ?

« Mais, disent-ils, ces nudités dévoilées du sentiment et de la vie offensent cette pudeur virginale de l’âme dont la pudeur du corps n’est que l’emblème imparfait ! Vous vous montrez sans voile et vous ne rougissez pas ! Qui êtes-vous donc ?

« — Hélas ! je suis ce que vous êtes, un pauvre écrivain ; un écrivain, c’est-à-dire un penseur public ; je suis ce que furent, au génie et à la vertu près, saint Augustin, Jean-Jacques Rousseau, Chateaubriand, Montaigne, tous les hommes qui ont interrogé silencieusement leur âme et qui se sont répondu tout haut, pour que leur dialogue avec eux-mêmes fût aussi un entretien avec leur siècle ou avec l’avenir. Le cœur humain est un instrument qui n’a ni le même nombre ni la même qualité de cordes dans toutes les poitrines, et où l’on peut découvrir éternellement de nouvelles notes pour les ajouter à la gamme infinie des sentiments et des can-