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fique et embarrassé malgré sa grande fortune, il avait pris un immense ascendant sur lui. Il était devenu le fils nécessaire et bien-aimé, le conseil, l’administrateur des biens nombreux, mais grevés et minés de procès, de la maison. Il avait pris aussi naturellement et par le double droit de supériorité d’âge et de supériorité de services, D’autorité et la domination sur la famille. Son mérite n’avait pas tardé à lui conquérir une réputation d’homme de première ligne dans les deux provinces de Franche-Comté et du Mâconnais, où étaient situées les principales terres de mon grand-père. En peu d’années il avait rétabli l’ordre dans les affaires, les bonnes cultures dans les domaines, la régularité dans les recettes et les dépenses, supprimé le luxe inutile dans la domesticité et dans les chevaux, accommodé ou gagné les procès, rédigé les mémoires, fait plaider ou plaidé lui-même devant les parlements de Besançon et de Dijon. Il avait pris à ce métier la connaissance des lois, le goût des affaires, la sûreté de coup d’œil, l’habitude d’écrire, le don de bien parler.

Il avait joint à ses travaux spéciaux pour la fortune et l’honneur de son père les études scientifiques les plus générales et les plus approfondies. Il avait fréquenté M. de Buffon, qui écrivait alors à Montbard son Histoíre naturelle. Il était là avec Daubenton, le collaborateur de ce grand naturaliste. Il ne négligeait pas non plus la haute littérature, dont le génie de Voltaire avait fait le véhicule de la nouvelle philosophie. Nos terres de Saint-Claude, près de Ferney, lui avaient donné l’occasion d’avoir quelques rapports de voisinage avec l’homme du siècle. Il ne partageait pas toutes les opinions philosophiques de Voltaire, mais il aimait, par similitude de nature, ce bon sens exquis qui exprime l’idée avec la