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nuer en moi pour ainsi dire ; puis de m’adonner dans un de ses domaines à l’agriculture et à l’économie domestique, pendant que jeunesse se passerait, comme on disait alors ; enfin de me marier et de faire de moi une souche plus ou moins fertile de ce taillis du genre humain, dont aucune tête ne dépasse l’autre, dans une province reculée. Je n’ai rien à dire contre cette destinée, elle est la plus naturelle et la plus heureuse. Plût à Dieu que j’y eusse été prédestiné ! Mais chacun a son lot tout tiré dans sa nature, en venant au monde ; ce n’était pas le mien, et mon oncle n’avait pas su le lire dans mes yeux. Voilà tout.


XXV


La vie que nous menions alors à Mâcon, dans ce cercle de maison paternelle, de famille et de société, était monotone, régulière et compassée, comme une existence monacale dont le cloître eût été étendu aux proportions d’une petite ville. Une pareille vie était de nature à faire croupir l’eau même des cascades des Alpes que je venais de visiter, ou à faire faire explosion par ennui à l’âme d’un jeune homme chargée de malaise, de besoin d’air, et d’énergie sans activité.

Je restais enfermé dans ma chambre haute avec mes livres et un chien, jusqu’au moment du dîner, qu’on sonnait au milieu du jour. Après le dîner, nous nous rendions respectueusement tous dans le salon du grand hôtel, pour nous réunir au reste de la famille. Là, nous trouvions notre oncle et nos tantes conversant, lisant, filant, après leur dîner. C’était l’heure redoutée, l’heure