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l’époque dont je parle, et qui reflétait sur moi la douce lueur d’un autre siècle. La poésie de la vieillesse ne m’a jamais mieux apparu qu’en lui ; une vie qui se couche dans la même sérénité et dans la même rosée où elle s’est levée à son matin.


XXXIX


Voici ce qu’était alors cette charmante petite ville : mon oncle, l’abbé Sigorgne, M. de Larnaud et cinq ou six hommes lettrés du pays y avaient, récemment encore, jeté les fondements d’une institution de nature il y accroître et à y perpétuer le goût des sciences, des arts et de la haute littérature. Ils y avaient institué une académie. Cette académie avait donné un petit centre et un motif d’activité locale à tous les talents épars et oisifs de la ville et de la province environnante. Tous les mois, les trente ou quarante membres de cette académie se réunissaient en séance, dans la bibliothèque de la ville, lisaient des rapports, des recherches, des projets d’amélioration agricole, se donnaient des motifs de travail, de discours, de compositions littéraires, quelquefois même de poésie. Une douce émulation s’établissait ainsi entre ces hommes que l’inertie aurait stérilisés. Ils ne s’exagéraient pas l’importance de leurs travaux, ils ne visaient à aucune gloire extérieure ; ils tiraient le rideau de la modestie sur eux. Ils avaient pour mot d’ordre : le beau, le bon, l’utile désintéressés. Cette institution, qui commençait et qui a conservé longtemps le même esprit, s’est illustrée depuis par l’adjonction successive de plusieurs noms éclatants, et par une succession non