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L’automne et l’hiver se passèrent ainsi pour moi, entre la campagne et la ville, entre ma mère et mes sœurs, entre la poésie triste et les pensées divines qui rayonnaient du front de ma mère et du foyer paternel sur moi. J’étais abattu et brisé, non énervé. Mon âme se retrempait dans mes larmes, et mon inspiration s’accumulait par mes ennuis. Un regard de ma mère m’entrouvrait et m’éclairait de consolation et d’espérance de nouveaux horizons.


XLVI


Le sombre hiver de Mâcon se passa chez ma mère, et dans le reste de la ville, en réunions, en dîners, en bals et en fêtes de tous genres. Ce mouvement, dont la maison de ma mère était le centre, car, vertu ou grâce, bonnes œuvres ou plaisirs décents, elle était l’âme de tout, m’attristait plus encore que la monotonie et la morosité de l’été. Je paraissais, pour lui complaire, à ces réunions ; mais j’y portais avec moi une atmosphère qui m’isolait. Les étrangers, les jeunes femmes et les danseurs étaient intimidés devant cette silencieuse réserve. On se demandait quel était donc ce dégoût de la beauté, du monde et de la vie, qui assombrissait ainsi le visage d’un homme de mes années. On attribuait à l’orgueil ce qui n’était que refoulement en moi-même. Il y avait là des femmes remarquables par leur élégance et par leurs charmes ; il y avait des jeunes personnes devenues célèbres depuis par les charmes de leur esprit et par leur beauté, telles que la seconde fille de M. de Forbin, madame de M…., encore enfant alors, mais déjà