Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/509

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Le marbre arrondi de Carrare,
Où tu bouillonnais autrefois,
Laisse fuir ton flot qui s’égare
Sur l’humide tapis des bois.

Ton dauphin, verdi par le lierre,
Ne lance plus de ses naseaux,
En jets ondoyants de lumière,
L’orgueilleuse écume des eaux,

Tu n’as plus, pour temple et pour ombre
Que ces hêtres majestueux
Qui penchent leur tronc vaste et sombre
Sur tes flots dépouillés comme eux.

La feuille, que jaunit l’automne,
S’en détache et ride ton sein,
Et la mousse verte couronne
Les bords usés de ton bassin.

Mais tu n’es pas lasse d’éclore ;
Semblable à ces cœurs généreux
Qui, méconnus, s’ouvrent encore
Pour se répandre aux malheureux.

Penché sur ta coupe brisée,
Je vois tes flots ensevelis
Filtrer comme une humble rosée
Sur les cailloux que tu polis.

J’entends ta goutte harmonieuse
Tomber, tomber, et retentir
Comme une voix mélodieuse
Qu’entrecoupe un tendre soupir.

Les images de ma jeunesse
S’élèvent avec cette voix ;
Elles m’inondent de tristesse,
Et je me souviens d’autrefois.