Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/510

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans combien de soucis et d’âges,
O toi que j’entends murmurera
N’ai-je pas cherché tes rivages
Ou pour jouir ou pour pleurer ?

A combien de scènes passées
Ton bruit rêveur s’est-il mêlé ?
Quelle de mes tristes pensées
Avec tes flots n’a pas coulé ?

Oui, c’est moi que tu vis naguères,
Mes blonds cheveux livrés au vent,
Irriter tes vagues légères
Faites pour la main d’un enfant.

C’est moi qui, couché sous les voûtes
Que ces arbres courbent sur toi,
Voyais, plus nombreux que ces gouttes
Mes songes flotter devant moi.

L’horizon trompeur de cet âge
Brillait, comme on voit, le matin,
L’aurore dorer le nuage
Qui doit l’obscurcir en chemin.

Plus tard, battu par la tempête,
Déplorant l’absence ou la mort,
Que de fois j’appuyai ma tête
Sur le rocher d’où ton îlot sort !

Dans mes mains, cachant mon visage,
Je te regardais sans te voir,
Et, comme des gouttes d’orage,
Mes larmes troublaient ton miroir.

Mon cœur, pour exhaler sa peine
Ne s’en fiait qu’à tes échos,
Car tes sanglots, chère fontaine,
Semblaient répondre à mes sanglots