Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/62

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mesure que le soleil, en montant, a dispersé les brouillards sur ces cimes éclatantes et tièdes de lumière, ils se sont accumulés dans la vallée et dans les plaines. Nous voyons seulement surgir au-dessus les cimes des collines, les clochers de quelques hauts villages, et à l’extrémité de l’horizon les neiges rosées et ombrées du mont Blanc, dont on distingue les ossements gigantesques, les arêtes vives et les angles rentrants ou sortants, comme si on était à une portée de regard.

Les troupeaux réunis, on s’achemine vers la vraie montagne. Nous laissons loin derrière nous cette première gorge alpestre, où nous avions passé la matinée. Les châtaigniers disparaissent, de petites broussailles leur succèdent ; les pentes deviennent plus rudes ; de hautes fougères les tapissent ; et là, les grosses campanules bleues et les digitales pourprées les drapent de leurs fleurs. Bientôt tout cela disparaît encore. Il n’y a plus que de la mousse et des pierres roulantes sur les flancs des montagnes.

Les troupeaux s’arrêtent là, avec un ou deux bergers. Les autres, et moi avec eux, nous avons aperçu depuis plusieurs jours, au dernier sommet de la plus haute de ces cimes, à eûté d’une plaque de neige qui fait une tache blanche au nord, et qui ne fond que tard dans les étés froids, une ouverture dans le rocher qui doit donner entrée à quelque caverne. Nous avons vu les aigles s’envoler souvent vers cette roche ; les plus hardis d’entre nous ont résolu d’aller dénicher les petits. Armes de nos bâtons et de nos frondes, nous y montons aujourd’hui. Nous avons tout prévu, mêmes les ténèbres de la caverne. Chacun de nous a préparé depuis quelques jours un flambeau pour s’y éclairer. Nous avons coupé dans les bois des environs des tiges de