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Un clocher de pierres grises, en forme de pyramide, y surmonte sept ou huit maisons de paysans. Le chemin pierreux s’y glisse de porte en porte entre ces chaumières. Au bout de ce chemin, on arrive à une porte un peu plus haute et un peu plus large que les autres : c’est celle de la cour au fond de laquelle se cache la maison de mon père.

La maison s’y cache en effet, car on ne la voit d’aucun côté, ni du village ni de la grande route. Bâtie dans le creux d’un large pli du vallon, dominée de toutes parts par le clocher, par les bâtiments rustiques ou par des arbres, adossée à une assez haute montagne, ce n’est qu’en gravissant cette montagne et en se retournant qu’on voit en bas cette maison basse, mais massive, qui surgit, comme une grosse borne de pierre noirâtre, à, l’extrémité d’un étroit jardin. Elle est carrée, elle n’a qu’un étage et trois larges fenêtres sur chaque face. Les murs n’en sont point crépis ; la pluie et la mousse ont donné aux pierres la teinte sombre et séculaire des vieux cloîtres d’abbaye. Du côté de la cour, on entre dans la maison par une haute porte en bois sculpté. Cette porte est assise sur un large perron de cinq marches en pierres de taille. Mais les pierres, quoique de dimension colossale, ont été tellement écornées, usées, morcelées par le temps et par les fardeaux qu’on y dépose, qu’elles sont entièrement disjointes, qu’elles vacillent en murmurant sourdement sous les pas, que les orties, les pariétaires humides y croissent çà. et là, dans les interstices, et que les petites grenouilles d’été, à la voix si douce et si mélancolique, y chantent le soir comme dans un marais.

On entre d’abord dans un corridor large et bien éclairé, mais dont la largeur est diminuée par de vastes armoires de noyer sculpté où les paysans enferment le