Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/251

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Vous êtes ici-bas la goutte sans mélange
Que Dieu laissa tomber de la coupe de l’ange.
L’étoile qui, brillant dans une vaste nuit,
Dit seule à nos regards qu’un autre monde luit,
Le seul garant enfin que le bonheur suprême,
Ce bonheur que l’amour puise dans l’amour même,
N’est pas un songe vain créé pour nous tenter ;
Qu’il existe, ou plutôt qu’il pourrait exister,
Si, brûlant à jamais du feu qui nous dévore,
Vous et l’être adoré dont l’âme vous adore,
L’innocence, l’amour, le désir, la beauté,
Pouvaient ravir aux dieux leur immortalité !





Quand vous vous desséchez sur le cœur qui vous aime,
Ou que ce cœur flétri se dessèche lui-même,
Quand le foyer divin qui brûle encore en nous
Ne peut plus rallumer sa flamme éteinte en vous,
Que nul sein ne bat plus quand le nôtre soupire,
Que nul front ne rougit sous notre œil qu’il attire,
Et que la conscience avec un cri d’effroi
Nous dit : « Ce n’est plus toi qu’elles aiment en toi ! »
Alors, comme un esprit exilé de sa sphère
Se résigne en pleurant aux ombres de la terre,
Détachant de vos pas nos yeux voilés de pleurs,
Aux faux biens d’ici-bas nous dévouons nos cœurs :
Les uns, sacrifiant leur vie à leur mémoire,
Adorent un écho qu’ils appellent la gloire ;
Ceux-ci de la faveur assiégent les sentiers ;
Et veulent au néant arriver les premiers ;
Ceux-là, des voluptés vidant la coupe infâme,
Pour mourir tout vivants assoupissent leur âme ;