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À dire, en répandant au seuil d’un autre monde
Mon cœur comme un parfum et mes jours comme une onde :
« Voyons si la vertu n’est qu’une sainte erreur,
L’espérance un dé faux qui trompe la douleur ;
Et si, dans cette lutte où son regard m’anime,
Le Dieu serait ingrat quand l’homme est magnanime ! »





Alors, semblable à l’ange envoyé du Trés-Haut
Qui vint sur son fumier prendre Job en défaut,
Et qui, trouvant son cœur plus fort que ses murmures,
Versa l’huile du ciel sur ses mille blessures,
Le souvenir de Dieu descend, et vient à moi,
Murmure à mon oreille, et me dit : « Lève-toi ! »
Et, ravissant mon âme à son lit de souffrance,
Sous les regards de Dieu l’emporte et la balance ;
Et je vois l’infini poindre et se réfléchir
Jusqu’aux mers de soleils que la nuit fait blanchir.
Il répand ses rayons et voile la nature ;
Les concentre, et c’est Dieu ; lui seul est sa mesure ;
Il puise, sans compter les êtres et les jours,
Dans un être et des temps qui débordent toujours ;
Puis les rappelle à soi comme une mer immense
Qui retire sa vague et de nouveau la lance,
Et la vie et la mort sont sans cesse et sans fin
Ce flux et ce reflux de l’océan divin :
Leur grandeur est égale, et n’est pas mesurée
Par leur vile matière ou leur courte durée ;
Un monde est un atome à son immensité,
Un moment est un siècle à son éternité,
Et je suis, moi, poussière à ses pieds dispersée,
Autant que les soleils, car je suis sa pensée ;